Webinaire Agroforesterie : Produire autrement
Rapport Webinaire Agroforesterie : Produire autrement
Samedi 26 Décembre 2020 à 10h
Transmission sur Zoom et Facebook
Le webinaire « Agroforesterie : Produire autrement » a démarré avec les mots d’ouverture de Aicha Krombi,de Terre et Humanisme Maroc ainsi que Rachida Mehdioui, Présidente du RIAM, qui ont remercié le public et profiter de l’occasion pour rappeler l’importance de l’agroécologie et l’objectif de ce webinaire voué principalement aux étudiants.
L’intervention de Hmad Bouaziz, professeur à l’IAV à Rabat, a présenté l’agroforesterie comme un outil de résilience et d’adaptation des systèmes de cultures aux changements climatiques. Selon la définition présentée, l’Agroforesterie va des systèmes très simples et clairsemés à des systèmes très complexes et denses. Elle embrasse un ensemble de pratiques : cultures en couloirs, agriculture avec des arbres en courbes de niveaux, périmètre clôturé avec des arbres, les jardins maraichers… Beaucoup d’entre eux sont des systèmes traditionnels d’utilisation des terres, y compris en combinant des systèmes de culture et d’élevage. La frontière entre l’Agroforesterie et la foresterie ou l’agriculture est donc poreuse. Elle permet de répondre aux grands défis de demain et à l’impératif pour l’homme de travailler en harmonie avec la nature pour nourrir des populations de plus en plus nombreuses, préserver les écosystèmes et assurer un revenu aux agriculteurs. L’arbre doit être introduit dans les systèmes de cultures pour diversifier les systèmes et les rendre plus résilients aux changements climatiques dont la sécheresse. Hmad Bouaziz a aussi présenté plusieurs systèmes agroforestiers présents au Maroc, notamment les systèmes oasiens et agropastoraux. Enfin, il a présenté plusieurs axes de recherches intéressants, en terme de construction d’itinéraires techniques en se basant sur les services écosystémiques, l’introduction et la pratique des cultures de couverture et en bande ou encore l’étude des rotations longues et du semis direct.
Ensuite, l’intervention de Ghizlane Echcheguada, professeure à l’ENA de Meknès a présenté les similitudes et les divergences entre les systèmes agroécologiques et les systèmes de production traditionnels. Ghislane Echcheguada a présenté l’action de l’ENA de Meknès par rapport à l’agroécologie, notamment la mise en place de la filière « agroécologie « et l’équipe de recherche AGREE. Notamment, elle a cité la surexploitation des ressources naturelles qui peut provenir de l’agriculture traditionnelle et certains savoirs traditionnels erronés. Dans l’intervention, l’agroécologie est présentée comme une approche écosystémique du développement agricole et qui s’inspire de l’agriculture traditionnelle des paysans pour valider et améliorer sur des bases scientifiques les pratiques innovantes en matière de développement durable.
Khalid Daoui, chercheur à l’INRA de Meknès, a présenté une intervention centrée sur l’agriculture à base d’olivier et les leçons tirées de la pratique des agriculteurs et d’expérimentations. Il cite le memento de l’agronome qui définit l’agroforesterie comme « un système d’utilisation du territoire consistant à combiner, dans l’espace et dans le temps, des arbres ou autres végétaux ligneux pérennes avec des cultures et/ou de l’élevage sur une même parcelle de terre ». C’est un système largement pratiqué et étudié à l’échelle internationale pour ses divers avantages, notamment économiques, agronomiques et environnementaux. Alors que dans les pays développés, les systèmes dominants sont des monocultures, l’agroforesterie existe bien dans les pays en voie de développement. Khalid Daoui indique que le biomimétisme, littéralement l’imitation du vivant, est une démarche d’innovation durable qui consiste à transférer et à adapter à l’espèce humaine les solutions déjà élaborés par la nature (faune, flore, etc.). D’où l’agroforesterie ! Il a également indiqué l’importance de la pratique des cultures intercalaires dans les oliveraies et présenter la SEA, ou surface équivalente assolée, indice le plus couramment utilisé pour évaluer la productivité globale des cultures associées et qui est défini comme la somme des rendements relatifs des espèces associées. Mais il a aussi cité plusieurs contraintes et recommandations par rapport à la pratique d’agroforesterie dans le cas de l’oliveraie.
Hana Nabil, enseignante-chercheuse à l’ENFI a réalisé une intervention sur la biodiversité des sols, levier pour le développement de l’agroforesterie. L’anthropocène est présentée par Hana Nabil comme une nouvelle ère dans laquelle plusieurs indicateurs, à la fois écosystémiques et socioéconomiques, sont fortement impactés par l’action de l’homme. L’homme devient donc l’agent principal de l’évolution de la planète et de l’érosion des sols, processus de dégradation des couches superficielles du sol. Les sols ont plusieurs fonctions écologiques, permettant la croissance des végétaux, la régulation du cycle de l’eau, l’épuration de l’eau, la régulation de l’atmosphère. La biodiversité présente dans le sol est incroyablement variée, entre bactéries et procaryotes, champignons et pluricellulaires. Presque tous les embranchements du vivant sont donc représentés dans le sol. Hana Nabil a présenté par la suite le fonctionnement du sol, les cycles de l’Azote, du Phosphate, et la transformation du carbone en humus. Ces modifications chimiques de la matière, ou minéralisation, permet aux plantes d’assimiler ces minéraux précieux par l’action des micro-organismes dans le sol. Cette biodiversité est mise en danger, ou au contraire préservée par les pratiques agricoles, notamment l’utilisation ou pas des systèmes agroforestiers.
Zineb Benrahmoune Idrissi, praticienne et chercheuse en permaculture, a présenté une riche diapositive sur l’agroforesterie comme modèle de l’écosystème cultivé. L’écosystème est d’abord naturel alors il s’agit d’imiter la nature mais aussi de la connaître, de la comprendre, de l’expérimenter et de discerner. C’est donc un champ expérimental qui provient d’une remise en question des pratiques conventionnelles. Un constat global qui nous alarme tant au niveau des écosystèmes naturels, des systèmes socio-économiques, de la santé et du bien être humain. Zineb Benrahmoune Idrissi a présenté plusieurs pistes permettant de faire évoluer nos pratiques agricoles tout en empruntant les principes de fonctionnement des écosystèmes naturels où tout est lié, à partir des savoir-faire et des expérimentations des populations autochtones des différents terroirs : des paysans, des scientifiques, des écologistes, des pionniers de l’agriculture et du jardinage naturel.
Il s’agit de favoriser la régénération, la résilience et la restauration des écosystèmes forestiers pour les rendre plus productifs et rétablir le sol vivant par l’aggradation (rajout de matière organique dans toutes les pratiques culturales) et par la polyculture (rajout en diversité biologique). En outre il s’agit d’éviter de perturber la vie du sol par les labours, la mécanisation, les travaux intensifs, les pesticides, fongicides, insecticides. Chaque étape dans la dynamique progressive dans la restauration d’un écosystème vivant prépare le terrain pour l’installation et la survie de nombreuses espèces vivantes. Cette logique de co-bénéfices vient renforce la résilience et la stabilité.
Enfin et avant le débat et les questions réponses, nous avons clôturé le webinaire par le témoignage de Jihad El Malih, producteur en agroécologie à la Ferme Facyla, un terrain d’un hectare avec 360 oliviers, 109 arbres fruitiers de 12 espèces et 3000 m² cultivé en Maraichage en Sol Vivant. Il cultive 20 à 40 types de légumes et fruits différents provenant de semences paysannes et de variétés anciennes. Avec sa femme Abir Aloui, Jihad El Malih , ancien informaticien, a tout abandonné pour revenir vivre en pleine nature en tant que néo-paysans.
En conservant et favorisant un sol vivant dans sa ferme, il a, par exemple, pu attirer des hérissons ou des hiboux, prédateurs des souris. Il a souligné l’importance des arbres qui attirent de nombreuses espèces d’oiseaux et l’importance de la biodiversité en général. La couverture du sol présente sur son terrain permet de limiter l’évapotranspiration du sol mais permet aussi d’augmenter la présence des auxiliaires dans le sol. De nombreuses symbioses s’établissent dans le sol vivant : les bactéries, notamment rhizobiomes, qui fixent l’azote en s’associant aux légumineuses ou encore les champignons dont les mycorhizes (association symbiotique entre les filaments des champignons-mycellium et l’arbre) favorise un bénéfice mutuel entre les deux espèces.
Un sol vivant permet de nourrir les hommes mais aussi nécessite d’être nourri en permanence.
